LE RETOUR DES TALIBANS
D’une Guerre idéologique, à la promesse d’un “renouveau” 20 ans plus tard. Rétrospective de l’histoire des Talibans et de la guerre d’Afghanistan.
Le 15 Août 2021. Vous étiez sans doute en train de profiter de vos vacances, pendant ce temps les Afghans voyaient le retour de l’oppresseur et de la terreur dans leur pays.
L’Afghanistan, ce pays d’Asie du Sud qui devient le théâtre d’une guerre d’une grande violence.
Le retour des Talibans vient bouleverser le semblant de paix du pays durement acquis. Mais qui sont les Talibans, quels motifs les animent et pourquoi leur retour remet en question la guerre et l’ordre politique en Afghanistan ?
Talibans, des combattants d’une idéologie et de l’ordre
Les Talibans sont à l’origine des combattants d’Afghanistan du Sud, issus des pachtounes, l'ethnie majoritaire dans le pays. En perse, le mot “Taliban” signifie “étudiants”, mais peut renvoyer aux mollahs, des spécialistes du droit musulman.
En 1994 dans la province de Kandahar dans le Sud de l'Afghanistan, une guerre civile éclate au sein du pays. C’est dans ce contexte de tension que ce groupe vient dénoncer l’anarchie, la corruption, et le banditisme qui avait gagné le pays. Ils décident de remédier à cette situation de crise par les armes, et l’application de la Charia, en tuant les bandits pour donner l’exemple. Ils ne sont à l’époque qu’un groupe puissant, mais pas à la tête du pays. Les effectifs du groupe grandissent progressivement. En l’espace de deux ans, le groupe a conquis les trois quarts du pays. Le 27 septembre 1996, les Talibans prennent Kaboul. Ces derniers dirigeront le pays, sous le régime de l’«Émirat islamique d’Afghanistan», de 1996 à 2001. Mais quelles idées animent les Talibans ?
La doctrine des Talibans revendique un retour aux pratiques en vigueur dans la communauté musulmane à l'époque du prophète Mahomet, dites salafistes. Leur objectif principal est d’islamiser à nouveau les mœurs, la justice et les individus. Les talibans aspirent à une application de la charia dans la vie quotidienne, et cela impliquant la soumission totale des femmes.
La Guerre d’Afghanistan : un combat idéologique, l’affirmation d’une domination
Pendant près de 20 ans, le pays est en guerre, plus précisément depuis 2001. La déclaration de guerre est proclamée suite aux attentats du 11 septembre 2001 revendiqués par Al-Qaïda. Mais pourquoi cette attaque cause-t-elle une guerre à l’autre bout du globe ? La réponse est simple, cet attentat est dirigé depuis l’Afghanistan. Le rapport entre les Talibans et le cerveau des opérations terroristes est d’ors et déjà identifié : les Talibans, les islamistes radicaux qui dirigeaient l'Afghanistan protégeaient Ben Laden, mais lorsque les Etats-Unis le cherchent, ces derniers refusent de le livrer. Un mois après le 11 septembre, les États-Unis lancent donc des frappes aériennes contre l'Afghanistan pour vaincre les deux groupes : Al-Qaïda et les Talibans.
Dans les deux mois qui suivent le lancement des attaques par les États-Unis et leurs alliés internationaux et afghans, le régime taliban s'effondre et ses combattants se réfugient au Pakistan, mais ils gardent une grande influence dans leur retranchement. En 2004, les Etats-Unis aident à créer la République Islamique d’Afghanistan pour répandre la démocratie. Toutefois, l’équilibre est fragile, et bien que les Talibans ne soient plus au contrôle, ils n’en démordent pas et continuent de clamer à coup d’attentats leur influence sur le territoire, et ce sont les civils les plus grandes victimes de cette guerre. Le peuple afghan a subi le plus de pertes : près de 111 000 civils ont été tués ou blessés depuis que les Nations unies ont commencé à enregistrer systématiquement les pertes civiles en 2009.
Le 29 Février 2020, un accord historique est signé entre Washington et les Talibans à Doha (Qatar) qui prévoit le retrait de tous les soldats étrangers d'ici le 1er mai 2021, en échange de garanties sécuritaires et de l'ouverture de négociations entre les insurgés et les autorités de Kaboul. Mais la violence en Afghanistan s'intensifie et les négociations engagées sont abandonnées. Ainsi, le 15 Août dernier, les Talibans revenaient au pays, les armes à la main et le sourire aux lèvres.
Les Talibans, les mauvais élèves des Droits de l’homme et de la Femme
Depuis la prise du pouvoir par les Talibans, de nombreux droits de l’Homme ne sont pas respectés. Le 7 octobre dernier, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a condamné toutes les violations des droits de l’homme en Afghanistan. Parmi elles, les exécutions, les détentions arbitraires, les violences à l’encontre de manifestants pacifiques ou les représailles et l’absence de liberté d’expression. De plus, le pays est au bord d’une grave crise humanitaire avec un tiers de la population afghane menacée de famine. Pour ne rien arranger, le pays est régulièrement frappé par des attentats meurtriers, notamment revendiqués par Daech.
Sans oublier que durant leur temps au pouvoir en Afghanistan, le droit des femmes était pratiquement inexistant sans la présence de l’homme. Les femmes étaient soumises à de multiples restrictions de leurs libertés et à des représailles en cas de transgression. Parmis ces droits on retrouve la privation de leur droit à l’éducation, de circuler sans l’accord d’un homme, et même d’exercer un métier et de pratiquer un sport.
Le droit des enfants est aussi gravement atteint. Des jeunes filles mineures sont mariées de force. L’offrande d’épouses est vue comme une stratégie pour attirer les militants. Ces mariages forcés sont des actes d’esclavage sexuels. Selon les chiffres de l’UNICEF, en 2017, les mariages forcés représentaient 58% des afghanes, dont 35% d’entre elles étaient âgées de moins de 18 ans.
Le Retour : la prise de Kaboul : La promesse d’un “renouveau” politique ?
15 AOÛT 2021. C’est le retour des Talibans, la suite d’une histoire qui n’a pas fini de s’écrire. A cette date les Talibans, après avoir été chassés du pays pendant près de 20 ans se voient victorieux. La chute de Kaboul aux mains des talibans a laissé ébahie le monde entier.
Les évacuations à la hâte des Occidentaux et la tragédie humaine qui s’est jouée à l’aéroport de Kaboul ont été filmées et photographiées. Kaboule est tombée aux mains des Talibans, et ce sans combat ni résistance. Presque personne ne s’attendait, alors, à un pareil retournement de situation.
Depuis leur retour, les talibans ont depuis essayé de montrer un nouveau visage plus progressiste et moins radical. Lors d’une conférence de presse tenue à Kaboul le 17 août 2021, un porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, a tenté de nous assurer les promesses du nouveau gouvernement : soutenir les droits humains, respecter les droits des femmes et des filles, la liberté des médias et d’assurer la protection des anciens fonctionnaires gouvernementaux.
Pourtant, le pays n’a pas bien changé, leurs pratiques emblématiques sont toujours en vigueur : le gouvernement est toujours exclusivement masculin, et les femmes sont toujours les grandes oubliées du régime. Les possibilités d’accès à la sphère publique pour les femmes afghanes sont très limitées. Le gouvernement a accepté d’autoriser les femmes dans les universités privées, mais sous conditions. Les étudiantes doivent porter une abaya et le niqab, un voile ne laissant voir que les yeux. Elles doivent également étudier hors de la vue des hommes.
Les manifestations sont toujours violemment réprimées et les médias censurés. Des témoignages de Reporters sans Frontières font état de faits graves : “en une semaine, les talibans ont battu cinq journalistes et cadreurs de notre chaîne” et “Ils contrôlent tout ce que nous diffusons.” explique un producteur d'une chaîne privée de télévision nationale. De plus, malgré la promesse d'amnistie, les collaborateurs afghans contre le régime sont sévèrement réprimés par le régime.
La Guerre contre les Talibans : Le Bilan
Mais la vraie question est :
Est-ce que cette guerre, de près de 20 ans, en valait réellement la peine ?
Si l’on se place du côté de la lutte contre le Terrorisme international, il n'a été planifié avec succès que depuis l'Afghanistan. L’objectif est atteint, Oussama Ben Laden est tué en 2011 au Pakistan. Mais, tout ceci pour un résultat éphémère et bien fragile. Un semblant de démocratie a prospéré, les femmes ont pu respirer un peu. Le jeu fini, nous voici de retour à la case départ : Al-Qaïda, le groupe État islamique et d'autres groupes militants n'ont pas disparu, ils renaissent, et ce davantage depuis le retrait des occidentaux.